Février se termine, son bilan est plutôt positif. Beaucoup de beau Chostakovitch, de l'excellent Puccini avec Nina Stemme en guise de cerise sur le gâteau, et du sport. Ce soir, la Russie s'en est allée des écrans sans que personne n'ait réussi à ternir son image. Il reste un peu de vodka et toujours un rêve intact, celui d'aller un jour au pays des Tsars et du Bolchoï. Mais pour longtemps encore je serai bien ici. Paris est ma maison, et dans plusieurs de ses pièces je me sens bien. Il faudra pourtant mettre un peu d'ordre ici et là. Peut-être que j'attendrai le printemps - comme le veut la tradition - pour faire du vide et des choix. Ce maudit printemps que je redoute tellement, mais que j'espère encore loin. En attendant, je songe aux quelques travaux que j'aimerais entreprendre, à des couleurs, et à des sorties un peu originales pour m'occuper l'esprit. Le changement que je voudrais ne viendra pas, alors je dois regarder ailleurs. 

Depuis hier, la question se pose de nouveau de savoir si je choisirais la Russie ou les États-Unis pour commencer une nouvelle vie. Car, entre les deux, mon coeur balance. Pour des raisons de confort, il est sûrement préférable de choisir l'Amérique. On y parle une langue que je connais, et on y vit un peu comme à Paris. New York, je me souviens très bien de toi. Tu ne m'as pas déçue, tu étais pareille que sur les photos. Je me suis promenée sur tes avenues, dans ton Park, dans tes bâtisses et tes grands magasins. En fait, tu ne m'a pas surprise. Je savais tout de toi. Moscou, Saint-Pétersbourg. Je ne connais de vous que les paysages de neige, les palais des Tsars, les couleurs des églises. Je rêve de vous parcourir en troïka, pour rejoindre un village tout blanc. Je rêve d'une petite maison avec une cheminée. J'imagine que ma grand-mère est russe et qu'elle me raconte l'histoire du cygne noir. J'imagine que les poupées se mettent à chanter. Et je nous vois en robe de soirée assister à un opéra, ou à un ballet. Je m'entends même dire que j'ai été stupide de vivre si longtemps à Paris ! Mais, en fait, je n'en sais rien. Parce que la Russie, ce n'est pas l'Amérique. Je ne crois pas savoir qu'il y ait un "rêve russe" officiel. Parfois même, je triche. Car dans mon rêve à moi, il neige tout le temps. Je ne veux rien savoir de la chaleur estivale. En Russie, il fait froid, c'est ainsi. Et ce soir, pour faire écho aux Jeux Olympiques, nous nous sommes offert un petit bout de la Russie sur notre table (pelmeni, gâteau aux noisettes et aux agrumes, prianiki). Il y avait aussi de la vodka. Au-dessus de nous, quelque part, Chostakovitch, qui n'est jamais très loin - en tout cas pas plus loin que mes grands-mères bretonnes -, et loin à l'est, des poupées qui m'attendent. Parce qu'un jour, c'est sûr, j'irai en Russie et je rapporterai des matriochkas rouge et or, des vraies. J'irai en Russie, au pays de la fille du capitaine et de ma très chère Rosalie.

Il plut une grande partie de la journée, je rentrai trempée jusqu'aux oreilles deux fois. Au troisième essai, il fit sec, je sauvai donc le pain et le goûter. Ce fut une journée normale. Enfin presque. Il y eut la classe du matin, avec de bons résultats, puis la sieste, pendant laquelle je dormis profondément alors que je n'espérais qu'un peu de repos, et la visite du facteur d'harmonium. Il y eut quelques menus travaux avant le dîner, puis des anecdotes, du thé et du beurre de cacahuètes sur un p'tit pain. Finalement, ce ne fut pas une journée si normale, plutôt une journée chargée. Le temps de régler ma petite radio et de couvrir mes acolytes en peluches, et je serai au lit, pour une fois, presque dans les temps !

Quoi de mieux pour déguster des viennoiseries format de poche que de la dînette empruntée, avec leur autorisation, aux peluches de la maison ? Petits chaussons aux pommes et petits pains suisses ont été engloutis en moins de temps qu'il n'en faut pour écrire leurs noms. Le goûter déjà fini, j'ai cherché la recette d'un gâteau aux noisettes. Un jour très prochain, avec un peu de volonté, je serai derrière les fourneaux pour une confection hivernale... sous le soleil. Mon chien sera assis près de moi, espérant un come-back des crêpes, mais il sera déçu. Pourtant, je pourrais faire les deux à la fois. Sur un piano de cuisine rouge. Si seulement j'avais un piano de cuisine rouge. Même un tout petit.

L'été se rapproche. Toujours pas de froid, toujours pas de neige. C'est comme s'il n'y avait eu qu'une saison cette année. Alors on va attendre et prier pour que le soir des chandelles convoque l'hiver et l'oblige à se répandre partout chez nous. Chaque année c'est pareil : il faut attendre, au cas où, mais l'été se pointe et j'ai l'impression d'avoir été spoliée. Nous ne sommes qu'en février, pourtant je ne peux m'empêcher de penser que dans peu de temps les familles se réjouiront de voir le soleil. Pour sortir, pour se découvrir, pour être heureux. Comme si le gris les rendait tristes. Moi je verrai du bleu, et je déprimerai. Comme toujours. Heureusement, il reste encore quelques semaines avant que viennent m'envahir les photos de fleurs qui poussent, quelques soirées encore où nous mangerons des plats d'hiver, des crêpes, des gâteaux, et des après-midis où je préparerai du lemon curd ou du clafoutis. D'autres soirs où nous allumerons les bougies. Hélas de plus en plus tard, car les jours vont rallonger. Déjà.