Mes années 10

Objectif du jour : dénicher, place Saint-Pierre, du Liberty Betsy porcelaine et plus en raison des affinités (un Liberty Emilia Flower). Il ne me reste plus qu'à dessiner le modèle de blouse que je souhaite me faire pour l'été. Je pense à une ouverture en goutte de pluie, à des boutons ou encore à un noeud jaune fluo. Je pense à des manches trois-quarts, mais aussi à des bretelles... Y aura-t-il un col ? Pas simple. Toutes ces réflexions étant nourries par un goûter copieux fait de fruits, de brioche et de chocolat, je suis plus motivée que jamais !

Le coup de foudre existe. Le mien porte un nom : Westbroek. Il y a quatre ans exactement, elle est entrée dans ma vie. Elle, oui. C'est un scoop, non ? Quand elle a ouvert la bouche dans sa cage de verre, j'ai reçu le choc de ma vie. Eva-Maria Westbroek était la Katarina Ismaïlova du district de Mzensk, dans Lady Macbeth de Chostakovitch. Incarnation de la perfection, malgré fausse blondeur, excès de maquillage, et rôle diabolique. Je suis restée sans voix dès que j'ai entendu la sienne, muette jusqu'à l'entracte - inutile -, et in love... depuis. Nous nous sommes revues, un soir de février. C'était l'année dernière déjà. Pour l'occasion, j'avais sorti robe de princesse, cape Jacadi et accessoires Burberry. J'avais un rendez-vous. Eva-Maria, si tu me lis : reviens à Paris. Come back in Paris... please.

Souvenirs d'un après-midi passé au célèbre parc du huitième arrondissement. Certains, les mieux équipés, avaient des skis, d'autres avaient tout juste une paire de gants, quant aux courageux - les guerriers -, ils couraient jambes et têtes nues, parce que jour sec ou jour de neige, le sport prime. Les maîtres essayaient de prendre en photo leurs chiens fous, les parents peinaient à tracter les luges. Mon père et moi avons marché longuement. Nous avons évoqué nos souvenirs de montagne, nos envies d'hiver, regretté que la famille d'Afrique n'en connaisse pas les joies, écouté nos pas dans la neige, puis regagné la maison. La soirée s'est terminée à la lueur des bougies.

 Cette fois fut la bonne. Près de dix centimètres de neige sur les trottoirs désertés, le capot des voitures et les toits de Paris. Un ciel presque rose, le silence, les flocons qui nous enrobent de douceur, la température idéale, et l'envie que la nuit ne s'arrête pas. Le chien est comme un fou, il court partout, glisse, se méfie des boules qu'on lui jette, car à ce moment-là, la guerre est déclarée. Cibles diverses et variées : fenêtres donnant sur la rue, véhicules en circulation, barrières, etc. Partout, les projectiles éclatent sous l'oeil des bonshommes de neige. Moi j'avais chaud dans mes habits, et rares sont les flocons qui ont su braver l'épaisseur de mon écharpe ou de mes gants. Je suis rentrée en pleine forme, tard dans la nuit. J'ai ouvert les fenêtres pour les presque-dernières photos. Et encore, pour les suivantes... puis pour une petite dernière. Quelques biscuits au chocolat et une douche chaude plus tard, j'étais dans mon lit, espérant que la neige tiendrait jusqu'au lendemain.

Aujourd'hui, notre sapin a rejoint ses amis au cimetière des sapins. On ne l'a pas abandonné. Le chien n'a rien manifesté, je ne sais donc pas s'il a cru que, comme beaucoup de sapins, le nôtre finirait dans une rue où d'autres chiens feraient pipi dessus. Je ne sais pas s'il était heureux d'avoir un peu plus d'espace... comme avant. Chaque année il est moins curieux, mon petit chien qui vieillit. Sans doute a-t-il aussi senti que la pluie de ce soir n'était pas de la pluie ordinaire, mais tant que ses coussinets n'ont pas laissé de traces dans la poudreuse, on ne peut pas lui parler de neige. J'aimerais tellement, pourtant, le revoir se rouler par terre ou essayer d'attraper une boule ! J'aimerais tellement qu'il neige normalement, et me réveiller demain au paradis. Aujourd'hui, quelques flocons auront cependant fait mon bonheur un petit moment, comme des notes de musique à l'Opéra Comique, ou un sapin encore décoré et scintillant.

Aujourd'hui, pas d'autre sortie que celle du chien, sous quelques flocons. Aucun n'est resté, mais je les ai vus danser dans la lumière. Puis je suis rentrée, et nous avons festoyé une dernière fois en l'honneur de Jésus et de notre sapin. Le voilà revenu au naturel. Il est encore beau. Ses branches sont solides et les épines vertes comme au premier jour. La table a été couverte d'une nappe du Jacquard Français, la vaisselle Villeroy et Boch a côtoyé celle, plus modeste, de chez Habitat. Les couverts volontairement dépareillés, de chez Zara Home, ont tutoyé les verres ballon Guy Degrenne, et mon chandelier s'est accomodé de quelques bougeoirs achetés chez La Maison du Roy. On a écouté des chants de Noël, une dernière fois. La crèche est désormais rangée jusqu'à l'année prochaine, et la part qui reste du gâteau attend sagement dans le frigo... jusqu'à demain.

Que serait ma vie sans mon petit carton d'invitation aux avant-premières Bonpoint ? Une sorte de château sans ses chevaliers, ou une charlotte sans ses boudoirs. Voici donc en exclusivité une bouffée de fraîcheur, et un avant-goût de mes prochaines sorties habillées, avec, en prime, un nouveau foulard en Liberty de chez Bonton.

Et en prime, un chemisier en Liberty Pablo rose de chez Marie Puce :

Pour la première fois de ma vie, j'ai attendu le petit Jésus aussi longtemps que la galette. Le premier est arrivé une quinzaine de jours après Noël, venu tout droit de chez Thuillier, accompagné d'un chameau ! Il fallait bien cela pour que les Rois mages n'arrivent pas devant un berceau vide, et pour que nous, nous savourions une galette qu'il a fallu rapporter à plat à la maison car elle sortait du four. Exercice plus que périlleux... Elle a tenu le choc, et s'est fort bien accomodée de petits verres de cidre. Petits verres au parfum d'enfance. Petits verres Duralex au bruit réconfortant, comme-chez-Mémé autrefois. Achetés chez Merci pour l'occasion, ils nous ont offert un moment savoureux. La Bretagne et tous les souvenirs des week-ends festifs au bord de la mer. Et puisqu'il était question d'histoire, la fève était un petit billet de 500 francs en porcelaine ! Elle était dans ma part... Et si je commençais bien l'année ?

Violeta Urmana, encore. Violeta Urmana parfaite, comme présagé. L'Immolation de Brunehilde, comme pour vrai. La larmichette au coin de l'oeil, il faut pourtant quitter son siège, courir vers la sortie des artistes et attendre. Elle sort, elle est majestueuse, signe son nom aussi grand possible sur ma photo un peu floue, et accepte de poser car elle est encore maquillée (sinon, c'est niet, précise-t-elle). Il y a des minutes qui passent trop vite. Je n'ai pas vu courir l'après-midi où mes deux héros favoris sont morts à Pleyel.

En ce samedi qui ressemblait un peu à l'hiver, nous avons commencé notre shopping tour par une visite chez Tartine et Chocolat, puis, dans la foulée, chez Design By, boulevard Saint-Germain, et Baudou. Ensuite, mon créateur à moi, Bonpoint, m'a accueillie parmi les V.I.P. rue de l'Université, puis rue de Tournon, où je n'ai pas raté la moindre occasion d'acquérir les pièces que je voulais, et d'où j'ai rapporté plein de photos souvenirs d'un Noël qui semble déjà loin. Les jolis sacs en main, je suis me suis retrouvée rue de Buci, entre les étales de pains, de fromages, de fruits (les cerises de janvier sont délicieuses !), puis au café Molière, le temps de siroter un Coca bien frais. Maman était de la partie, et Matilde, aussi. Matilde, notre guide du jour, ravie de ses achats et découvertes. La journée est passée à toute allure, et la nuit est tombée sur nous, aussi vite qu'un ballon jeté par la fenêtre ! Une chance pour nous trois de voir une dernière fois Paris illuminée, entre Saint-André des Arts et la rue de Seine.