Un peu de l'histoire de l'immeuble

Il y a ceux qu'on souhaite ne jamais perdre, ceux qui peuvent s'en aller sans que cela ne nous fasse ni chaud ni froid, ceux qu'on éliminerait bien volontiers si la loi nous le permettait, et ceux qui laissent un grand vide, en disparaissant par surprise, suscitant un chagrin sincère mais presque surprenant. Cette voisine fait partie de cette dernière catégorie. Elle n'avait pas l'âge de partir, encore moins l'envie. Cette voisine n'a jamais laissé personne indifférent : elle était capable de se faire haïr un jour et de laisser rêveur le lendemain, alors qu'elle me racontait paisiblement son projet d'aller en Norvège. Cette voisine avait un très bel appartement, noblement aménagé. Elle portait toujours de beaux habits et accessoires, et régulièrement je m'imaginais à sa place, quand elle mangeait ses carottes râpées, fenêtre ouverte, le regard perdu dans le jardin. Ce jardin qu'elle entretenait parfaitement. Elle nous a quittés d'un coup, et ça fait beaucoup de peine. Quelques jours avant, j'avais ramassé des petites fraises des bois au bord de l'allée. Non, je n'avais pas envisagé tout ça. On se souviendra de ses coups de gueule, dont certains sont devenus cultes, de Groseille et Prunelle, ses chattes adorées, et de sa mèche excessivement blonde, plus ou moins bien coiffée selon ses humeurs. Salut, Christèle !